Prêts pour la révolution rojzmanienne ?
« Il faut savoir crier dans le désert. J’ai l’habitude. » Tels sont quelques mots que Charles Rojzman, le fondateur de la Thérapie Sociale, qui nous forme à son art, m’a laissés récemment sur Facebook alors que j’étais dans un moment de découragement. Je n’arrivais pas à comprendre comment il se faisait que, face à une telle découverte, les gens s’en détournent avec autant d’indifférence. Car la Thérapie Sociale est une façon inédite, pour un groupe d’individus, de restaurer ses capacités à coopérer en intelligence collective. J’ai la chance de vivre ce processus lors de mes sessions de formation. Certes, on n’y arrive pas sans travail ni effort, mais quels sentiments de bien-être, de joie et de bonne puissance dès lors qu’on retrouve ce moment où ça coule de source, où la confiance est là, où l’on se sent relié aux autres et au groupe, où chacun prend sa place, où les idées, les points de vue se confrontent et se combinent, où l’on se voit gagner en autonomie, en responsabilité et en créativité, bref où l’on se fait grandir ensemble.
Cet état de confiance retrouvée dans un collectif est l’or de tout entrepreneur qui voudrait développer plus durablement son entreprise, de tout élu qui voudrait que ses concitoyens s’impliquent plus pleinement sur leur territoire, de tout mouvement qui voudrait féconder ensemble une société plus juste et équitable. Alors pourquoi je me casse encore les dents quand je promets un tel gain ? Pourquoi l’enthousiasme fait briller les yeux de mes interlocuteurs, et peut en disparaître aussi vite ? Obtenir l’adhésion de mes interlocuteurs est la première étape à passer, mais quelle étape !
Il me vient l’histoire de ce chanoine, médecin et astronome, Nicolas Copernic. Nous sommes au 15ème siècle, et ce savant polonais démontre que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil, et non l’inverse comme on le croyait jusqu’alors. Cette réalité est longtemps rejetée par l’Eglise, même après la mort de son découvreur. Et il en faudra du temps et du courage à Galilée pour réhabiliter son confrère auprès des autorités religieuses, près d’un siècle plus tard. Les vieilles croyances sont tenaces. Le rappel de cette histoire me fait mieux comprendre et accepter les difficultés à faire valoir des réalités qui bousculent – y compris dans ses propres confrontations avec soi-même et ses propres croyances ! Et les mots de Charles Rojzman prennent tout leur sens : « Il faut savoir crier dans le désert… ».
Car la Thérapie Sociale, que Charles Rojzman développe patiemment depuis vingt ans, est une découverte « copernicienne », en ce sens qu’elle permet de façon tout à fait inédite d’oeuvrer méthodiquement à rétablir en profondeur la coopération et l’intelligence collective (disons même l’amour !) dans des groupes traversés par des tensions, des peurs et des séparations empêchant des relations saines et constructives et la résolution de problèmes complexes (définition de l’Institut Charles Rojzman, co-dirigé par Nicole et Igor Rothenbühler). Et ça fonctionne, je peux en témoigner ! Et c’est une nouvelle façon d’appréhender la marche du monde, qui change foncièrement de notre vision d’une nature majoritairement et fatalement violente et destructrice de l’être humain (ou a contrario de notre vision d’une nature fatalement bienveillante et non-violente !).
Mais alors, est-ce que ça voudrait dire qu’il serait envisageable d’oeuvrer concrètement à (re)construire ensemble des espaces de fraternité et d’amour dans la société ? Au milieu du 20ème siècle, un grand psychanalyste issu de l’Ecole de Francfort, Erich Fromm, fut l’un des premiers à entrevoir cette hypothèse. Voilà en substance ce qu’il écrivit en conclusion de son livre L’Art d’Aimer, en 1956 : « La foi en la possibilité de l’amour comme phénomène social, et non comme phénomène individuel d’exception, est une foi rationnelle qui se fonde sur l’intuition de la véritable nature de l’homme. » De même, dans son court ouvrage sur Freud (Freud, Ed. Desclée de Brouwer, 1998), Charles Rojzman note le sursaut d’optimisme du savant à l’aube de sa vie, à condition (et de citer Freud) « que la raison critique soit cultivée chez tous les hommes » et « qu’un jour, quelqu’un s’enhardisse à entreprendre la pathologie des sociétés civilisées » (Freud, Malaise dans la civilisation). « La tâche est magnifiquement tracée, la porte est ouverte, écrivit un jour à propos de Freud l’écrivain Stefan Zweig », des mots que Charles Rojzman, comme pour s’encourager dans sa propre oeuvre, rapporte en conclusion de son livre : « Et là où l’esprit humain flaire l’espace et les profondeurs inexplorées, il ne se repose plus, mais prend son essor et déploie ses inlassables ailes. »
La Thérapie Sociale est une invention révolutionnaire qui permet – et j’en suis un témoin vivant ! – de nous révéler à notre « véritable nature », au fur et à mesure que nous réparons nos liens avec nous-mêmes, les autres et la réalité. Elle m’a d’ores et déjà redonné du goût à la vie, le goût des autres, et dès que je m’y attèle, j’en sens immédiatement les premiers rayons lumineux qui me traversent le cœur.
Yves Lusson
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