La Société enconviviale
Apprendre tous ensemble à recréer un quotidien plus humain et plus protecteur
Dans la société actuelle, dite « moderne », dont les multiples « fractures »* nous ont amenés trop souvent à nous diviser et à nous isoler les uns des autres, à nous rejeter et nous abandonner, à nous déshabiter de nous-mêmes, de nos racines, de notre terre, de notre histoire, de la nature, de nos traditions et de nos valeurs humaines profondes, à nous couper du peuple, de la réalité, de nos libertés, à affaiblir nos souverainetés, nos solidarités, nos créativités, nos écosystèmes, nos économies locales, nos vies sociales, culturelles, artistiques et spirituelles – en un mot à nos ôter nos dignités d’êtres humains -, il devient urgent d’apprendre à savoir oeuvrer tous ensemble à rétablir notre convivialité, c’est-à-dire nos « rapports positifs entre personnes, dans la société » (définition du Robert), condition nécessaire pour pouvoir nous remettre en liens, nous réhabiter, nous réenraciner et recréer tous ensemble un quotidien plus sain, plus vivant, plus humain et plus protecteur, partout et en profondeur, enrichi par notre expérience de la modernité, en même temps que libéré d’elle.
*Fractures géographiques, historiques, sociologiques, familiales, culturelles, professionnelles, scientifiques, techniques, psychiques, spirituelles, etc.
La Société enconviviale est donc un véritable projet de société dont la raison d’être est d’apprendre tous ensemble à savoir recréer quand c’est nécessaire des environnements plus durablement propices à nos rencontres authentiques et à nos coopérations démocratiques – c’est-à-dire en pouvant y faire vivre nos nécessaires conflits -, fécondes et transformatrices pour nous-mêmes et pour notre société.
La Société enconviviale repose sur l’idée simple selon laquelle il nous faut apprendre à savoir recréer des cadres spécifiquement sécurisés pour s’assurer de pouvoir y faire renaître la convivialité quand elle tend à disparaître, à l’image des cloches en verre dans les jardins qui servent à protéger les pousses encore trop fragiles vis-à-vis des agressions extérieures.
Ces espaces protégés, ce sont les « Foyers enconviviaux », ou Cellules enconviviales.
Pour pouvoir contribuer tous ensemble à reprendre soin de nos vies à partir de toutes nos différences
Les Cellules de la Société enconviviale permettront ainsi de rendre à nouveau possibles nos conflits nécessaires à nos coopérations à partir de toutes nos différences et de la richesse de chacun de nos parcours, de prendre soin tous ensemble de notre vie sociale de proximité, par le retour du « peuple retrouvé et souverain », cette âme commune que nous partageons tous, tapie en chacun de nous et que nous avons aujourd’hui tendance à négliger. Plus chaque cellule rassemblera des personnes différentes, représentant les différentes composantes de la société, plus son potentiel de créativité au service de l’intérêt commun sera grand.
Nous reparler ici et maintenant
A travers ses foyers et ses cellules, la Société enconviviale permettra au peuple de se reparler plus librement et fraternellement – c’est-à-dire nous tous issus des diverses composantes sociales, générationnelles, professionnelles et/ou culturelles d’un même territoire, d’un même village, d’une même ville, d’un même quartier, d’une même institution, du même pays, qui aujourd’hui nous sommes trop éloignés les uns des autres et ne nous parlons plus, ou bien de façon stérile, voire délétère.
En s’engageant dans un dessein commun de réenracinement local, à la fois ambitieux, concret, réaliste et atteignable, chaque Cellule deviendra par la même un lieu de réintégration du corps social, au sein duquel, les habitants, en y oeuvrant tous ensemble à rétablir leurs capacités à se retrouver dans leur diversité sociale et culturelle, à y trouver de la joie et du plaisir d’être à nouveau tous ensemble, de pouvoir se (re)parler de la réalité et créer ensemble, convoqueront à nouveau leur âme commune – l’âme du peuple qui s’était désintégrée du fait des divisions, des éloignements, des haines, des violences, des illusions, des soumissions et des souffrances -, en se reconnectant à ce qui finalement les anime tous au plus profond d’eux-mêmes et leur procure du bonheur : s’engager tous ensemble pour une cause humaine « plus grande qu’eux ».
La Société enconviviale pourra prendre racine partout où sera reconnue la nécessité commune de recréer des liens solides entre tous les êtres en présence pour pouvoir réparer tous ensemble le quotidien : qu’il s’agisse d’un tiers-lieu, d’un écolieu, d’un kibboutz ou autre lieu de vie commune et/ou culturelle et/ou artistique du territoire, se définissant comme un espace spécifique de rencontres et de coopérations ayant comme objet social de permettre aux habitants d’y retrouver du pouvoir de se reparler tous ensemble de la réalité et de s’atteler tous ensemble à résorber, dans un périmètre géographique et/ou d’objectif donné, un affaissement local avéré et éprouvé : social, économique, écologique, domestique, alimentaire, culturel, intergénérationnel, sanitaire, artistique, spirituel, etc.
Autrement dit, les Cellules de la Société enconviviale, à l’image du fonctionnement organique et différencié des cellules du corps humain, une fois (re)créées leurs facultés à croître librement et durablement dans la confiance et la protection relationnelle, et à se régénérer régulièrement, pourront alors réaliser, à l’intérieur de chacune d’entre elles, leur dessein spécifique dans le corps social de façon plus naturelle, plus vivante, plus intelligente, plus créative, plus libre, plus joyeuse, plus fraternelle, plus conflictuelle, plus autonome, plus démocratique, c’est-à-dire en prenant mieux en compte les vrais besoins et les vraies motivations de chaque personne, en croisant les points de vue, en confrontant les expériences et les autorités : pour mieux poser ensemble des problèmes complexes, mieux en explorer des solutions en créativité et intelligence collectives, accomplir des transformations concrètes, justes et réalistes pour le bien de l’environnement direct et la vie des habitants. Ce, en veillant aussi à pouvoir y intégrer chacun.
En résumé, la Société enconviviale vise la possibilité de rencontres sociales tendues vers la réalisation d’objectifs concrets et atteignables pour l’intérêt commun. Elle est comme une cathédrale humaine dont chaque Cellule ou chaque Foyer serait la brique élémentaire à l’intérieur de laquelle pourra renaître une véritable vie conviviale et démocratique, plus robuste et plus durable, enracinée localement pour le bien de la société, et par conséquent des personnes qui y vivent.
Oui, nous avons besoin de tous
« Il ne s’agit plus de décider pour les autres. Plus que jamais, l’avenir est imprévisible et il est à construire par tous », clame Charles Rojzman, dans son ouvrage Sortir de la violence par le conflit (Ed. La Découverte). En cherchant à animer des cercles de rencontres entre des gens issus de tous les milieux, qui ne se rencontrent plus, je souhaite contribuer à agir dans le sens de l’appel de l’inventeur de la thérapie sociale pour une nouvelle « éducation à la vie démocratique » (ou nouvelle éducation populaire) : « Aujourd’hui plus que jamais, le peuple a perdu le sentiment de sa valeur car il a l’impression que le monde de la science et de la technique ne peut être appréhendé que par des experts, explique Charles Rojzman dans un article publié le 1er mai 2017 dans le Huffpost. Où est la démocratie si le peuple n’a pas le sentiment qu’il peut lui-même participer à la réflexion sur les choix et les décisions qui touchent à l’essentiels de sa vie quotidienne ? ». Aussi, en développant la notion de Société enconviviale, et en puisant dans mes compétences d’intervenant en Thérapie sociale TST et de journaliste et communicant social et public, je souhaite contribuer à co-construire une nouvelle vie conviviale et démocratique en en démultipliant les espaces protégés, pour aider ainsi chaque citoyen et le peuple à reprendre en main leur destin, leurs usages, à combattre collectivement pour ce qui leur est juste, à faire valoir leurs propres autorités, à apprendre à « tirer la couverture à soi » face à des élites souvent hors-sol, parfois prédatrices, à faire reconnaître les responsabilités des uns et des autres, et à (re)prendre petit à petit (foyer par foyer) son rôle et sa place sur son territoire, dans son quartier, dans son village, dans son institution, dans la société – y compris sur les terrains social et politique -, dans son pays, à commencer par son « pays intérieur ».
Vers une société plus vivante et plus protectrice à l’image des corps biologiques multicellulaires
Il n’y a pas de vie véritable sans liberté.
C’est ainsi que librement chaque Foyer de la Société enconviviale pourra dans un deuxième temps choisir de s’articuler avec d’autres Foyers pour pouvoir prendre naturellement un rôle dans le fonctionnement du corps social ainsi en voie de réintégration, à l’intérieur d’un plus vaste processus de transformation de la société en une sorte de corps multicellulaire beaucoup plus robuste et résilient, pour pouvoir affronter avec succès et créativité la réalité complexe, et créer et entretenir des environnements plus heureux, plus protecteurs, plus intelligents, plus démocratiques, plus autonomes, plus enracinés, plus écologiques, plus résistants aux agressions, plus dignes et épanouissants pour tous et pour chacun. C’est ainsi que pourra naître un nouveau modèle de société.
Des Foyers tendus vers quels objectifs ?
1/La reconstruction « d’environnements fraternisateurs », dans les couples, les familles, mais aussi de lieux dans la cité (tiers-lieux, écolieux, kibboutz, cafés, écoles, associations, lieux de vie partagée, etc.) qui favorisent les réconciliations entre milieux qui se haïssent ou s’ignorent, et la reconstruction d’une fraternité fondée sur la réalité – voir les trois articles de mon blog, Pour des tiers-lieux populaires, Pour des tiers-lieux démocratiques et Pour transformer vraiment nos territoires.
2/L’émergence d’une écologie démocratique, c’est-à-dire qui soit le théâtre de nos rencontres citoyennes et populaires pour une vraie écologie locale, réaliste dans les territoires (à échelle humaine) ainsi qu’une politique de santé plus raisonnable et humaine, et qui puisse ainsi permettre de développer nos échanges féconds de proximité – sociaux, économiques, culturels -, ainsi que les nécessaires relocalisations et réenracinements de nos activités pour une reprise en main de nos usages – dans un sens plus créatif, plus autonome, plus artisanal, plus intégré aux réalités des ressources locales -, notamment à travers ce qu’on appelle les « low techs » (voir mon article L’écologie sera démocratique ou ne sera pas, dans le média Tribune juive) ou l’émergence d’écolieux axés sur la vie démocratique.
3/Le développement d’arts collectifs (voir l’article de mon blog : Vive les arts collectifs)
Les étapes qui m’ont amené à développer la notion de Société enconviviale
- De 1990 à 2010 : Mon parcours de journaliste scientifique, social et sociétal.
- Août 2011 : Co-coordination de la Convergence citoyenne pour la transition énergétique, et initiation de la rédaction collective de la Déclaration de Lézan.
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2011 : Ligue Nationale contre le Cancer (Paris). Encadrement de la co-rédaction de l’ouvrage “Accompagnateur en santé : naissance d’un nouveau métier”
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2012-2015 : Formation au métier d’intervenant en Thérapie sociale TST avec son fondateur Charles Rojzman.
- 2013-2016 : premières expériences d’animation de cercles citoyens : ciné-débats, rencontre d’inventeurs, rencontre autour des jardins partagés, rencontre d’artistes musiciens, rencontre d’acteurs du développement territorial… (voir Références).
- 2016-2021 : animation, en tant qu’intervenant en Thérapie sociale TST supervisé, de groupes d’analyse de pratiques professionnelles axés sur le rétablissement de la coopération et de l’intelligence collective, auprès de travailleurs sociaux et de soignants (voir page consacrée à cette activité professionnelle).
- 2016 : accompagnement de la création d’un centre de co-working, tiers-lieu de partage, d’entraide et de coopération pour des entrepreneurs solos et isolés (Issoire, Auvergne).
- De 2017 à 2019 : Chargé de cours au Master Communication et Démocratie Participative de l’Université Clermont-Auvergne.
- Fin 2018 / début 2019 : Animation, en tant qu’intervenant en Thérapie sociale TST, du séminaire d’une coopérative d’habitants à Grenoble, pour développer un mode de communication qui favorise la convivialité et la coopération.
- 2018 : Projet de lieux de rencontres et de coopération avec des parents, femmes, travailleurs sociaux, jeunes de quartiers…, avec l’association La Brigade des Mères et l’Institut Charles Rojzman, qui a reçu le financement de la Région Ile de France (sur un objectif de prévention de la radicalisation).
- 2018 : Projet Nous Tous Français, de cercles de rencontres en régions entre Français de tous milieux et de toutes origines, avec l’objectif d’écrire ensemble un socle de valeurs pour pouvoir reconstruire la communauté nationale.
- 12 juillet 2021 : Allocution du Président Macron qui pérennise le « pass sanitaire » pendant la « crise du covid », la « vaccination » obligatoire et la « distanciation sociale » : un tournant sociétal qui m’inquiète et me conforte dans la nécessité urgente d’y répondre en accompagnant l’émergence d’une société capable de résister à sa désintégration et de ranimer sa convivialité en ces temps difficiles.
- Novembre 2021 : animation de cercles de rencontres entre Gilets jaunes (Bourges).
- Fin 2021-début 2022 : accompagnement de groupes de citoyens créateurs de tiers-lieux et d’écolieux démocratiques (La Cerise (Tarn), La Vallée aux Rivières (Cher)…), sous la forme d’Ateliers d’enconvivialité.
- 25 novembre 2022, création des Cafés Gaulois, rencontres spécifiques créées dans le but de contrecarrer les forces idéologiques qui divisent les Français depuis mars 2020.
« Nos rêves sont standardisés, notre imagination industrialisée, notre fantaisie programmée. Nous ne sommes capables de concevoir que des systèmes hyper-outillés d’habitudes sociales, adaptés à la logique de la production de masse. Nous avons quasiment perdu le pouvoir de rêver un monde où la parole soit prise et partagée, où personne ne puisse limiter la créativité d’autrui, où chacun puisse changer la vie ».
Ivan Illich, La Convivialité (1973)
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