Pro-vax vs anti-vax : le débat impossible
Le débat scientifique et citoyen autour du bénéfice-risque de la vaccination à ARN messager se heurte à des obstacles majeurs qui pourraient créer une fracture irrémédiable et catastrophique dans la société.
Chacun a pu l’expérimenter, ne serait-ce qu’en cette période de fêtes, le débat autour de la vaccination contre la covid est devenu impossible. Ce ne furent que dialogues de sourd, chaque camp dégainant sa batterie de chiffres, d’études ou autres arguments pour justifier sa position, les uns brandissant le nombre de non-vaccinés en réanimation, plus important que les vaccinés – une situation intolérable, propre à épuiser les soignants selon eux -, les autres avançant les chiffres préoccupants des effets indésirables graves des injections (AVC, thromboses, myocardites, embolies, etc.) provenant de la pharmacovigilance, ou le nombre réel et finalement relativement peu élevé de personnes emportées chaque jour par le virus Sars-cov 2 (et leur moyenne d’âge élevée), qui s’avère somme toute moins important que le nombre habituel de personnes emportées par la grippe chaque hiver, et qui, comme la grippe, justifierait plutôt des traitements plus ciblés auprès de nos plus anciens et des plus fragiles.
Ce fut sans fin. Et ça pouvait durer éternellement. Qu’est-ce qui rendit ce débat stérile, voire impossible ? Pourquoi le temps ne jouait-il pas son rôle de révélateur de vérités scientifiques et médicales qui nous aurait permis de trancher une bonne fois pour toute ? A quoi se heurtait notre nécessaire combat commun pour la réalité et pour la raison garder ?
En cherchant à le comprendre, j’observais un phénomène singulier : le changement radical de position de certains de mes proches, demeurés pendant longtemps contre cette vaccination de masse, la jugeant inquiétante et/ou inutile, et ayant plutôt tendance à soutenir les anti-pass sanitaire – devenus entre-temps anti-pass vaccinal -, jusqu’au moment précis où, fatigués de ne plus avoir de vie sociale, ils acceptèrent de se faire injecter.
Cette décision de rendre les armes, ils ne la prirent pas à la légère. Ils avaient pesé le pour et le contre. S’étaient informés jusqu’à des sources contradictoires. Avaient interrogé leurs proches. Avaient attentivement écouté les prescripteurs à la télévision, et pas seulement les ministres et le président.
Ils avaient pris leur décision pour ne plus à avoir se poser de questions, pour débarrasser leur cerveau d’une équation complexe et insoluble qui leur polluait l’esprit. On ne vit qu’une fois se dirent les premiers, alors autant jouir de la vie et de ses plaisirs, qui passent par le restaurant, le bowling, le théâtre, le café, le ciné, la salle de sport… Pour les seconds, il s’agissait tout bonnement de sauver leur travail et leur moyen de subsistance. Ainsi, tout était réglé : adieu les prises de tête, leur choix était fait, une bonne fois pour toute.
Un mécanisme naturel d’auto-persuasion
Des neuroscientifiques ont montré qu’il existe un mécanisme à l’oeuvre dans notre cerveau qui tend à transformer nos doutes en certitudes dès lors que nous avons eu à faire des choix essentiels, y compris et surtout lorsque ceux-ci n’étaient pas évidents à prendre. Cette puissance de l’auto-persuasion nous est le plus souvent bénéfique, ne serait-ce que pour nous conforter dans nos grandes décisions de vie, les fixer et s’y tenir, ne plus avoir besoin d’y revenir. Qu’il s’agisse du choix d’un métier, d’un(e) partenaire, ou de sa voiture, il nous est bon de croire, pour pouvoir poursuivre notre existence sereinement, que nous avons eu entièrement raison de faire ce choix-là.
C’est ainsi que la grande majorité des vaccinés se convainquirent d’avoir eu raison de faire le choix de se vacciner. Et de loin. Allant parfois jusqu’à effacer de leur cerveau ce qu’ils pouvaient penser deux mois plus tôt.
Ce fut sans compter la réapparition dans leur environnement immédiat de tous ceux qui n’avaient pas fait le même choix qu’eux. Tant qu’ils défilaient dans les rues le samedi, dans l’indifférence croissante des médias ayant fini par regarder ailleurs à mesure qu’avait grossi l’armée des vaccinés, tant que les réseaux complotistes cantonnaient leurs diffusions et leurs convictions dans des espaces parallèles, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Non, le hic, c’est quand il fallut, bon gré mal gré, se les refarcir entre la dinde de Noël et le foie gras du Nouvel an. C’est quand il fallut accepter la présence à leur table du beau-frère complotiste, de l’ami rassuriste ou de la sœur parano, c’est là que les emmerdements refirent soudainement surface. C’est là que les ressentiments, pourtant bien rangés au placard des insouciances, leur revinrent en pleine poire comme un boomerang.
Quoi ? Ils en sont encore là ? Il n’ont toujours pas compris ? Mais ils me font chier !!!
Un sujet plus que tabou
Si le président Macron se savait soutenu par une bonne moitié de Français quand il déclara – une première pour un président censé être celui de tous les Français – avoir « envie d’emmerder » six millions de ses compatriotes, c’est bien parce qu’il savait, en fin tacticien politique, que c’était bien ces derniers qui avaient commencé à emmerder les autres, en refusant de se soumettre et de rentrer dans le rang.
Nous avons, à n’en pas douter, vécu les fêtes de fin d’année les plus emmerdantes de ce début de siècle. Mais le plus inquiétant n’est pas là. Somme toute, il y eut des précédents dans l’Histoire qui virent les familles françaises s’entredéchirer, se pourrir jusqu’à l’emmerdement suprême : l’Affaire Dreyfus, l’Occupation allemande, Mai 68, l’arrivée des Socialistes au pouvoir (L’emmerdant c’est la rose chantait malicieusement Thierry Le Luron). Non, ce qui aujourd’hui est plus qu’emmerdant, et même réellement angoissant, c’est l’impasse dans laquelle nous semblons nous retrouver tous, et qui pourrait compromettre pendant longtemps nos futures réconciliations : car pour sortir d’une telle crise, d’une telle division, il faudra bien que des lignes bougent, que d’aucuns – si ce n’est chacun d’entre nous – puissions faire amende honorable sur un sujet ou sur un autre, qu’il nous soit possible de changer d’avis, en suivant le vieil adage populaire selon lequel « il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis ».
Pour pouvoir changer d’avis, la seule possibilité sera de pouvoir requestionner la réalité à tête reposée. Et ensemble. En sommes-nous capables ? Car pour cela il faudra pouvoir réaborder tous les sujets qui fâchent, y compris les plus sensibles d’entre eux, les plus tabous, ceux qui nous sont encore très difficiles à regarder en face, comme par exemple les hypothétiques conséquences dramatiques sur la santé d’un produit génétique expérimental inoculé en masse à la population, qui par définition n’a toujours pas prouvé son innocuité dans le temps, et qui, plus précisément, n’a toujours pas fixé la réalité de ses effets à long terme sur le fragile équilibre de notre corps humain, fruit de centaines de millions d’années d’évolution : notre système immunitaire.
Pour l’heure, il nous est inimaginable que nos élites aient pu nous entraîner dans une telle catastrophe. Ce serait pure folie.
Ce qui rend le débat impossible, c’est la menace de la sidération.
Yves Lusson, journaliste scientifique et intervenant en thérapie sociale
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