Chroniques pour faire société ensemble

Un article de Libé réécrit, sans la sacro-sainte « neutralité »

Pour les besoins de mon article publié dans Tribune juive, intitulé Traitement médical du Covid : J’ACCUSE la neutralité journalistique, j’ai réécrit un article du journal Libération, dont je critiquais la fausse neutralité, à mes yeux coupable de n’avoir pas encouragé les médecins à prendre des risques nécessaires dans leur prescriptions, en plein pic épidémique de Covid.

 

Voici cet article « remanié » :

 

L’antibiotique azithromycine est-il vraiment efficace contre le Covid ?

Si aucune étude scientifique n’étaie pour le moment leurs témoignages – amenant des médecins à mettre en garde contre ce qu’ils appellent des «expérimentations sauvages» -, plusieurs médecins ont fait état de retours d’expériences positifs sur l’utilisation de l’azithromycine pour soigner les patients atteints du Covid-19.

Question posée par Sylvain le 13/04/2020

Bonjour,

Votre question fait référence à une publication virale sur Facebook, qui comptait plus de 15 000 partages le 13 avril, trois jours après sa mise en ligne. Publié par Philippe Paliard, le texte explique la méthode d’une médecin généraliste, présentée comme sa mère, pour tenter de soigner des patients potentiellement atteints du Covid-19.

On peut y lire : «Je suis TRÈS fier de ma mère, le Dr Sabine Paliard-Franco, qui a guéri 100% de ses patients atteints du coronavirus. En l’absence de piste de traitement pour ses patients – car c’était avant les premières apparitions publiques du Pr Raoult –, elle décide alors de leur prescrire une combinaison « Macrolide + C3G »Deux familles d’antibiotiques bien connus, très peu chers et faciles à produire, utilisés depuis 20 ans contre les pneumonies atypiques. Après tout, elle trouve que cela ressemble bien à une pneumonie… En 24 à 48 h, tous les symptômes disparaissent brutalement. Prodigieusement.»

En l’occurrence, Philippe Paliard évoque plus précisément l’azithromycine, qui n’est autre que l’antibiotique (de la famille des macrolides) utilisé par le professeur Raoult pour traiter ses patients Covid-19 à l’IHU de Marseille, en combinaison avec l’hydroxychloroquine. «Et si le traitement miracle, ce n’était pas la chloroquine dont on n’arrête pas de parler ? Et si c’était le macrolide, donné à la fois par le Pr Raoult, par ma mère et divers autres praticiens avec les mêmes excellents résultats ?» conclut l’internaute.

«Nous pensons qu’il y a un traitement»

Le texte a été repris mot pour mot sur de nombreux sites, comme l’espace Club de Mediapart ouvert aux internautes, sur des forums et certains comptes de réseaux sociaux qui se le réapproprient.

Contacté par CheckNews, Philippe Paliard confirme avoir publié lui-même le texte, et assume son contenu : «Je confirme 100% du contenu. Je viens de relire toute la publication et rien n’est faux ou exagéré. Je suis simplement un peu affirmatif à la fin quand je dis : « il y a un traitement », car j’aurais dû peut-être dire « nous pensons qu’il y a un traitement » ou quelque chose du genre. En effet ce n’est pas une publication scientifique visant à apporter une preuve, mais un retour d’expérience.» La publication a pourtant depuis été retirée de Facebook, supprimée par son auteur : «J’ai été contraint de retirer cette publication pour protéger ma mère», indique-t-il à CheckNews, sans en préciser la raison. «Je maintiens tout ce que j’avais dit précédemment.» Selon lui, sa mère refuse également de communiquer avec «tout média».

Pas encore de « preuves scientifiques »

Alexandre Bleibtreu, infectiologue à la Pitié-Salpêtrière (Paris), rappelle qu’il s’agit de «retours d’expérience, sans possibilité d’évaluer ou de vérifier les résultats» et non de publications scientifiques : «On ne sait pas grand-chose sur l’efficacité de l’azithromycine sur le virus. On sait juste que cet antibiotique est utilisé pour des pathologies respiratoires pour son caractère anti-infectieux et anti-inflammatoire. Il n’y a aucune donnée scientifique qui montre que l’utiliser ait un intérêt pour un patient Covid, un effet sur le virus, ou que ça permette d’éviter des formes graves de la maladie. Donc les gens qui disent sur les réseaux sociaux qu’on a trouvé un traitement, c’est de la rumeur, voire de la fausse information.»

«Si l’azithromycine associée au C3G fonctionnait, cela se saurait, estime-t-il, en référence à la méthode proposée par Sabine Paliard-Franco. C’est le traitement probabiliste recommandé pour les pneumopathies bactériennes communautaires graves, mais pas virales.»

Un traitement probabiliste correspond à une prescription d’antibiotique formulée avant que ne soit connue la nature exacte de l’infection, et qui correspond au protocole le plus efficace et le moins risqué face aux pathogènes fréquemment responsables de ces symptômes.

«Cette association a été utilisée en traitement probabiliste à la Pitié-Salpêtrière au début de l’épidémie, et on n’a constaté aucune guérison spontanée, poursuit l’infectiologue. Par ailleurs, nous avons aussi des retours d’expérience, qu’on ne publie pas sur les réseaux sociaux : plusieurs dizaines de patients ayant été traités pendant plusieurs jours à l’azithromycine seule en médecine de ville et qui malgré cela ont été hospitalisés avec des tableaux pulmonaires graves.»

Pour le moment, un article publié par des chercheurs de l’IHU a relevé un effet antiviral de l’azithromycine, mais uniquement in vitro (et sans évaluation par les pairs). Et des études sont en cours : à Paris, «une étude est menée à l’AP-HP, entre autres sur l’azithromycine, pour la prévention chez le personnel soignant», cite par exemple Jean-Paul Stahl. L’essai Covidoc, coordonné par le chef de service maladies infectieuses du CHU de Montpellier, Jacques Reynes, s’attache de son côté à tester l’efficacité de l’azithromycine associé à l’hydrochloroquine par rapport à cette dernière molécule seule.

Seulement deux mois après le début de l’épidémie en France, il n’y a donc pas encore de preuves scientifiques officielles de l’efficacité de l’azithromycine, les études ayant besoin de davantage de recul. Faut-il pour autant attendre ces preuves formelles avant de tenter quoi que ce soit auprès des malades, et d’oser partager publiquement son expérience ? C’est une question que les médecins ne peuvent pas ne pas se poser.

D’un côté, il y a les « prudents », que d’aucuns qualifieraient de « frileux », voire de « poltrons » : certains d’entre eux ont alerté ces derniers jours sur le fait que des praticiens puissent «donner leur avis [et] leurs « protocoles » de traitement établis dans leur coin» sans s’appuyer sur des études cliniques solides, qui permettent de prouver l’efficacité ou non d’un médicament et de mesurer ses potentiels dangers. Nicolas Groëll, médecin généraliste, souhaiterait ainsi que l’ordre des médecins «se positionne et mette le holà sur les manquements éthiques graves».

«Il ne faut pas être fermé, ce n’est pas la question, mais il nous faut des vraies études, des essais cliniques», juge également l’infectiologue Jean-Paul Stahl, spécialiste en maladies infectieuses et tropicales au CHU de Grenoble. «En attendant, c’est du charlatanisme. Quand je vois des médecins faire des expérimentations sauvages, puis les médiatiser, je trouve ça irresponsable. Ça ne fait que créer de la confusion.» Si l’infectiologue comprend qu’un praticien puisse «dire au patient qu’il lui donne un traitement parce qu’il n’a rien d’autre», il considère que «la médiatisation est irresponsable puisqu’elle se fait au détriment des malades : on alimente de faux espoirs et la théorie du complot alors qu’il faut avoir l’humilité de dire qu’on ne sait pas».

De la même manière, le youtubeur Risque Alpha, lui-même médecin de santé publique, explique à quel point il est difficile de connaître l’effet d’une molécule sur une maladie dont on guérit dans la plupart des cas spontanément, comme c’est le cas du Covid-19. Il rappelle au passage que l’histoire de la médecine regorge d’exemples où des essais cliniques ont permis de révéler le danger de certains traitements basés uniquement sur des raisonnements pourtant logiques en apparence. C’était le cas par exemple d’une étude clinique de 2004 qui a démontré qu’un traitement très courant, les perfusions de corticoïde à la suite d’un traumatisme crânien, augmentait la mortalité au lieu de la diminuer.

D’un autre côté, il y a les médecins prêts à prendre des risques pour leurs malades, pour qui c’est parfois une question de vie ou de mort.

Contacté par CheckNews, le docteur Jean-Jacques Erbstein, qui prescrit de l’azithromycine dans son cabinet mosellan, préfère ne pas rentrer dans le détail de son protocole, sur conseil de l’Ordre des médecins, qui demande que les praticiens s’en tiennent aux médicaments validés pour le traitement du Covid-19. «Mais quand vous avez des personnes que vous suivez depuis vingt-cinq ans, qui sont malades, vous ne pouvez pas juste leur dire « prenez du Doliprane et faites le 15 si ça va très mal, il y a une «fracture générationnelle» «Les jeunes praticiens nous tombent dessus, mais on a toujours fait ça ! Je suis très attaché à la médecine fondée sur les preuves : c’est pour ça que j’utilise des médicaments qui ont fait leurs preuves dans le traitement des pneumopathies (je suis médecin des mines, j’en ai vu quelques-unes) et pas la chloroquine et autres remèdes d’apprentis sorciers. Surtout qu’on est très prudent : on dit juste qu’on constate qu’un traitement peut être efficace. Ensuite il faut évidemment des études pour aller plus loin. En attendant, on ne peut pas regarder les gens mourir.»

Les premiers retours d’expériences

En attendant que la « science » ait le temps de se prononcer, les médecins généralistes au contact des malades se doivent donc de prendre des décisions « en leur âme et conscience ». Sabine Paliard-Franco, par qui l’espoir de l’azithromycine est arrivé, est bien médecin généraliste et elle exerce dans la ville de Châbons dans l’Isère. Dans un document détaillant sa méthode et ses résultats (également supprimé depuis, mais toujours consultable en cache), la médecin explique que son protocole a été appliqué aux patients ayant fait «une forme modérée de syndrome grippal atypique» et présentant certains symptômes persistants comme la toux sèche ou une difficulté à respirer et des facteurs de risque cardio-vasculaires ou une maladie auto-immune par exemple.

«Cette étude clinique montre la réponse rapide des patients hautement suspects de Covid-19 à un protocole très simple [qui] semble, d’une part, stopper la dégradation de la maladie, et d’autre part, soigner efficacement tous ses symptômes en 24 ou 48 heures», avance-t-elle dans ce compte rendu.

A noter que contrairement au terme employé, son expérience n’est pas une «étude clinique» qui impliquerait un protocole expérimental précis et un encadrement légal. Par ailleurs, la stratégie de traitement de cette médecin est appliquée aux patients suspectés d’être atteints du Covid-19, et non testés positifs (certains patients atteints d’autres pathologies sont donc potentiellement inclus et peuvent fausser les résultats).

Le compte rendu reste ensuite prudent sur l’analyse des premiers résultats : «C’est étonnant et soulève de nombreuses questions : savoir si le macrolide a aussi une action virucide même modérée, en complément de son activité contre la surinfection bactérienne et l’inflammation qui en découle.» Les antibiotiques sont en effet des substances qui ont pour rôle premier de lutter contre les bactéries, et non les virus comme le Sars-CoV-2. «Le Zithromax [azithromycine] a pour sa part fait l’objet de travaux japonais en octobre 2019 qui ont prouvé son action virucide sur le virus H1N1, avec une bonne description de son mécanisme de lutte contre les infections intracellulaires. Cette activité antivirale s’appliquerait-elle aussi au coronavirus ?»

Elle appelle également d’autres médecins à appliquer la même méthode : «Il serait important que d’autres confrères s’engagent dans cette démarche d’appliquer ce protocole et communiquent leurs résultats pour conforter cette analyse.»

D’autres médecins

Bien d’autres médecins généralistes mettent également en avant l’intérêt de l’azithromycine. «Trois médecins généralistes qui échangeaient sur un groupe Facebook ont-ils trouvé une parade au Covid-19 utilisable à très grande échelle ?» s’interroge le Parisien, citant les praticiens Jean-Jacques Erbstein, Denis Gastaldi et Olivia Vansteenberghe.«Tablant sur l’azithromycine sans recourir à l’hydroxychloroquine prônée par l’infectiologue Didier Raoult, ils ont constaté une chute nette des hospitalisations de leurs patients traités», rapporte de son côté l’Est Républicain

En plus de l’azithromycine, ils ont «réfléchi sur ce qui pouvait augmenter l’effet de ce médicament». «Le zinc est très efficace pour cela. On ajoute deux gélules d’Effizinc dans le protocole. Toujours de manière empirique, on a ajouté du Singulair, utilisé chez les personnes asthmatiques, pour son rôle d’anti-inflammatoire sur les tissus interstitiels pulmonaires. Chez les formes sévères, on ajoute de l’héparine à faible dose, pour prévenir les thromboses, les phlébites et les embolies pulmonaires, fréquentes avec le coronavirus. Une des conditions sine qua non, c’est de démarrer ce traitement dès les premiers symptômes, pas d’attendre d’être en réanimation», détaille Denis Gastaldi dans les colonnes du quotidien.

Et ce ne sont pas les seuls à utiliser l’azithromycine : une enquête menée par la plateforme communautaire médicale Sermo auprès de 6 200 médecins dans 30 pays, y compris la France ou les Etats-Unis (mais non représentatifs des praticiens du monde entier) indiquent que 50% des professionnels interrogés utilisent «l’azithromycine ou des antibiotiques similaires» lorsqu’ils prescrivent des médicaments sous ordonnance pour traiter des patients Covid-19.

Conclusion : si « la science » n’a pas encore le recul nécessaire pour pouvoir étayer cette affirmation, plusieurs médecins, sur la base de leurs propres expériences, s’accordent à dire que l’azithromycine a bien des effets positifs sur les malades atteints du Covid.

Envoyer cet article par email Imprimer cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *